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M. le président. La parole est à M. Mennucci, et à lui seul.
M. Patrick Mennucci. J’ai toujours été convaincu qu’il ne fallait pas voter ce texte.
M. Jean-Frédéric Poisson. Quel rétropédalage !
M. Patrick Mennucci. En même temps, puisque nous sommes à la fin du processus et qu’il faut en terminer, je rappelle que, pendant trois mois, comme si vous n’aviez rien d’autre à faire, vous avez pris ce sujet et l’avez tourné dans tous les sens. Nous avons eu ainsi droit à des réunions pour nous expliquer qu’il allait falloir payer pour aller se baigner devant la plage des Catalans avec une « barquette » – c’est ainsi que nous appelons nos bateaux à Marseille – de quatre mètres cinquante !
Tout cela est absolument absurde et je voulais remettre les choses en place.
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Très bien !
M. Patrick Mennucci. Il n’en a jamais été question, si ce n’est dans l’esprit des parlementaires de l’UMP, qui ont profité de la position des Corses pour tenter de mettre de l’huile sur le feu sans aucune raison. (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.)
Pour en revenir à l’amendement qui nous est présenté aujourd’hui et sur lequel la commission a émis un avis défavorable, un problème de fond se pose : c’est l’interdiction de mouillage dans le parc qui serait la seule solution ! Faire payer aux gens quelques centaines d’euros pour les laisser défoncer notre posidonie, ce n’en est pas une. Je ne comprends toujours pas cette position et M. Orsucci, maire de Bonifacio, n’est pas loin de partager cet avis.
Ces bateaux ne rapportent strictement rien à la commune de Bonifacio…
M. Dominique Tian. Parce qu’ils ne vont pas au restaurant ? Ils ne font pas leurs courses ?
M. Patrick Mennucci. …parce que les gens vont de l’autre côté, à La Maddalena, pour faire leurs courses.
M. le président. Merci de conclure !
M. Patrick Mennucci. Je considère donc qu’il est très bien de voter contre cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Dominique Tian.
M. Dominique Tian. Je remercie tout d’abord Mme la ministre, qui a pris sur son temps précieux pour se rendre à Bonifacio ce week-end afin de vérifier si les bateaux faisaient plus de 50 mètres et s’ils payaient 500 000 euros par semaine – je n’en sais rien ! – ; je voulais saluer votre professionnalisme, madame la ministre ! C’est impressionnant !
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Il faut venir avec nous ! On va faire une mission !
M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. La ministre se contente de regarder les bateaux : vous, vous les utilisez !
M. Dominique Tian. Ensuite, je regrette que M. Mennucci, qui a pris acte qu’il ne fallait pas le faire dans le département, veuille aujourd’hui faire de la politique. Gilles Lurton a bien résumé la situation en indiquant que, quoi que l’on en dise, cela ne concernait pas seulement la Corse mais toutes les aires marines protégées : tous les juristes vous le confirmeront, madame la ministre !
C’est tellement absurde que je vous propose, pour aller à l’essentiel, de lire l’amendement proposé par nos collègues – cela vaut la peine de prendre deux minutes pour le lire – afin de savoir sur quelles bases la taxation se fera.
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Arrêtez votre cinéma !
M. Dominique Tian. Nous sommes contre, parce que nous trouvons que c’est idiot et que cela coûtera plus cher à collecter que cela ne devrait rapporter.
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Mais non !
M. Dominique Tian. Si ses fonds marins sont menacés, ce que nous comprenons parfaitement, la collectivité de Corse n’a qu’à réaliser des mouillages, des coffres, auxquels les plaisanciers pourront directement s’y amarrer.
Mais lisez cet amendement : le montant de la taxe proposée serait de 5 euros par jour et par mètre de longueur de coque au-delà de 24 mètres. Si le bateau fait 25 mètres, vous paierez 5 euros de plus ; s’il fait 26 mètres, vous paierez 10 euros de plus, etc. On va donc importuner les gens et leur demander un certain nombre de documents pour un gain de 5, 10, 15 ou 20 euros. Cette taxe est, par nature, absurde sur le plan économique : il coûtera plus cher d’aller chercher l’argent que cela ne rapportera.
De plus, cela ne résout aucun problème. Si la collectivité de Corse veut des revenus supplémentaires, c’est son droit : elle crée des coffres, les bateaux viennent et paient telle ou telle somme, comme au port de Bonifacio, et la situation sera tout à fait normale, en Corse comme en Sardaigne. Mais taxer des bateaux sans savoir quel type de bateaux ni dans quelle mesure …
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Ce n’est pas une taxe ! Il faut faire du droit, monsieur le député !
M. Dominique Tian. S’ils font les ravages que la ministre indique, nous sommes d’accord : que l’on crée des coffres, que l’on offre une prestation de service et qu’on la fasse payer. Ce que vous vouliez au départ – c’est bien, madame la ministre, d’être revenu sur votre décision –, c’était faire payer un droit de mouillage.
M. le président. Merci de conclure !
M. Dominique Tian. Monsieur le président, nous parlons du mouillage : cela vaut le coup de prendre deux minutes…
M. le président. Si tout le monde dit la même chose, on n’avancera pas !
M. Dominique Tian. Le mouillage, c’est le fait de jeter l’ancre. Cette taxe aura un effet extraordinaire : les gens utiliseront le GPS avec le positionneur pour que les moteurs corrigent en permanence l’assiette du bateau, ce qui se fait souvent d’ailleurs, pour qu’il reste au même endroit, ce qui leur permettra d’être exonérés de cette taxe de mouillage.
M. le président. Merci, monsieur Tian !
M. Dominique Tian. Tout cela est donc totalement absurde et vous avez eu raison de réagir, madame la ministre. Surtout, refusez cet amendement !
M. Jean-Frédéric Poisson. C’est bien une taxe, madame la ministre : c’est écrit dans l’amendement !
M. le président. La parole est à M. Paul Molac.
M. Paul Molac. Il faut raison garder ! Tout d’abord, le président Giacobbi s’est clairement expliqué : cela concerne les aires marines protégées gérées par une collectivité locale. Il y en a trois en France – l’aire de Bonifacio, celle de Scandola et une autre dans l’Hérault –, ce qui est déjà très limité.
De plus, l’amendement propose de taxer les bateaux de plus de 24 mètres : cela ne concerne donc pas la petite plaisance ! On a fait beaucoup de mousse avec cette affaire alors que ce n’était pas nécessaire. Je suis tout à fait d’accord avec Mme la ministre, qui a parfaitement expliqué les ravages que cela pouvait causer dans les herbiers.
En outre, ces bateaux se débarrassent de leurs déchets et laissent les communautés de communes ou les communes du sud de la Corse les gérer, alors que celles-ci n’ont pas à le faire sans la moindre contrepartie.
Enfin, monsieur Tian, on aura beau créer des coffres, si on n’oblige pas les gens à les utiliser, ils ne le feront pas : ils iront ailleurs, et vous le savez bien !
Cet amendement sera retiré mais, pour ma part, je l’aurais voté parce qu’il vise non pas la petite plaisance, mais une industrie touristique organisée qui met à mal la réserve des Bouches de Bonifacio.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Faisons attention aux mots : tout d’abord, les ministres peuvent se rendre dans les territoires. J’ai fait vingt-cinq ou trente déplacements : effectivement, je n’ai que cela à faire, aller voir les territoires – je passe ma vie à le faire ! Mais si vous, vous connaissez les prix de location à la semaine, moi je ne les connais pas.
J’ai, c’est vrai, découvert en Corse un problème qui n’existe pas ailleurs.
M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Exactement ! Cela ne s’applique pas à la pêche au bar !
Mme Marylise Lebranchu, ministre. J’ai assisté à une réunion provoquée par des courriers, des mails, des SMS – que sais-je encore ! –, dans laquelle les gens me disaient qu’on n’aurait plus le droit de jeter l’ancre en baie de Morlaix ! Et ce alors qu’il s’agit d’un cas particulier, qui n’en mérite pas moins toute l’attention des législateurs.
M. Patrick Mennucci. Bien sûr !
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Il est trop facile en effet de faire créer des aires maritimes protégées et de dire ensuite : « Débrouillez-vous pour les protéger ; nous, on s’en fiche ! » Non, on ne s’en fiche pas : c’est un vrai sujet, un sujet important. Mais c’est de façon non raisonnable qu’on a alerté tous les plaisanciers : j’étais extrêmement mal à l’aise de devoir répondre aux petits plaisanciers qui craignaient de ne plus pouvoir jeter l’ancre dans la baie de Morlaix qu’on leur avait raconté des histoires. C’est n’importe quoi !
Vous dites que c’est absurde, mais c’est cette campagne qui a été absurde ! Je suis désolée de devoir vous dire qu’il ne fallait pas mener ce type de campagne, d’une part, parce que cela a inquiété les gens pour rien et, d’autre part, parce que nous, nous cherchons une solution et nous la trouverons. Il faut en effet ne plus parler de « taxe » – nous l’avons dit à Paul Giacobbi hier – tout en créant une redevance pour le mouillage sur coffre de ces très grandes unités. Si vous pensez que les grandes unités de 35, 40 ou 50 mètres qui ont ratiboisé les 5 000 mètres carrés d’aire marine protégée ne doivent pas participer à la création des coffres, alors dites-le ! Mais ne dites pas que c’est absurde !
M. Dominique Tian. Mais nous sommes d’accord !
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Ne dites pas que c’est absurde en nous montrant du doigt, comme si nous avions voulu taxer ces « pauvres » plaisanciers naviguant sur des bateaux de 50 mètres, lesquels, en effet, ont bien des difficultés ! Il ne faut pas dire cela.
M. Dominique Tian. Mais c’est vrai !
Mme Marylise Lebranchu, ministre. C’est que vous avez dit tout à l’heure ! Retrouvez un langage raisonnable ! Moi, quand je me rends dans un territoire, monsieur Tian, ce n’est pas pour aller me promener ! Cela dit, je ne regrette pas d’être allée voir, parce que je ne me rendais pas compte de l’ampleur du sujet. Quand on confie une aire marine protégée à une collectivité territoriale, il faut se demander avec quels moyens. Ainsi, la ville de Bonifacio compte 3 500 habitants : comment voulez-vous dire à ces personnes qu’elles sont responsables de cette aire marine, conjointement à la région qui ne compte que 340 000 habitants ? Vous demandez à 340 000 habitants et à une commune de 3 500 habitants de trouver une solution qui vaut pour nous tous. Il faut donc arrêter de caricaturer cette question, comme cela a été fait volontairement : je le regrette parce que je pense qu’un législateur n’a pas le droit de faire campagne sur des éléments faux.
M. Jean-Frédéric Poisson. Le Gouvernement non plus !
Mme Marylise Lebranchu, ministre. Même si le sujet a été volontairement caricaturé, je m’engage à continuer à travailler. Cet amendement n’étant pas constitutionnel, il ne pourra pas être adopté mais, franchement, il faut retrouver un langage raisonné et raisonnable : 340 000 habitants ne peuvent pas, sans ressources, gérer pour nous tous la mise en place des coffres pour ces bateaux – celui que j’ai suivi en particulier m’a d’ailleurs dit, de très bonne foi, qu’il fallait trouver une solution : nous essaierons donc de la trouver. Paul Giacobbi a raison de continuer à se battre pour trouver une solution parce que sa collectivité n’a pas les moyens d’y répondre seule.
M. le président. La parole est à M. Jacques Moignard.
M. Jacques Moignard. Je tiens à remercier Mme la ministre car, en effet, il n’y a rien de tel que de se rendre sur les lieux pour constater ce qui se passe réellement.
M. Patrick Mennucci. Exactement ! Allez voir sur place !
M. Jacques Moignard. Le sujet a été porté bien au-delà de ce qui était nécessaire, cela a été souligné. Je retire donc cet amendement à la condition que des solutions soient trouvées. À l’extrême limite, je pense que le fait d’interdire le mouillage dans ces zones serait la meilleure des solutions pour l’écologie et pour l’avenir de notre planète.
(L’amendement no 1145 est retiré.)